En plein confinement, le gouvernement a demandé à l’ANCV (Agence nationale des chèques-vacances), cheville ouvrière du tourisme social en France, qu’elle finance le fonds d’indemnisation des petites entreprises à hauteur de 30 millions d’euros. Il s’apprête désormais à réformer la gestion des chèques-vacances, sur laquelle lorgnent les opérateurs privés.

En 2018, l’ANCV a distribué l’équivalent de 1,7 milliard d’euros en chèques-vacances à 4 millions de salariés et agents de la Fonction publique sur la base de critères sociaux, ce qui représente 11 millions de personnes en comptant leurs familles. Cette manne attire depuis longtemps les convoitises des opérateurs privés, tels qu’Edenred (filiale d’Accor), Sodexo, Up ou Natixis. L’État s’apprête à leur livrer sur un plateau.

Le 15 mai, Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, a annoncé vouloir « réformer l’Agence nationale pour les chèques-vacances. […] L’agence a aujourd’hui un quasi-monopole pour la distribution de ces chèques-vacances, nous allons ouvrir ce marché à des opérateurs concurrents ». L’ANCV est une structure autofinancée, dont les bénéfices assurent sa modernisation et alimentent, non pas des actionnaires, mais un budget de 26 millions d’euros destinés à l’action sociale.

Chaque année 250 000 personnes pauvres, isolées, ou en situation de handicap en bénéficient

L’ouverture à la concurrence de la distribution des chèques-vacances, risque de grever le budget social de l’ANCV, au profit des opérateurs privés. « Ce qui intéresse les opérateurs privés, ce sont les gros comités d’entreprise d’Airbus, Orange ou BNP. Pas les petites entreprises qui prennent beaucoup de temps et rapportent peu. Notre commission – 1 % sur les acheteurs de titres (fonction publique, CSE, PME), 2,5 % sur les prestataires de tourisme et de loisirs – est extrêmement faible », confiait David Blumental, le secrétaire (CGT) du comité d’entreprise de l’ANCV au Parisien.

Les taux de commission de l’agence sont en effet extrêmement bas (1 %), contrairement à ce que pratiquent les opérateurs privés dans le secteur du titre-restaurant avec des taux d’encaissement qui oscillent entre 5 et 8 %. Les motivations du gouvernement sont autant économiques qu’idéologiques.

En attaquant le statut de l’ANCV, c’est aussi le tourisme social, non-marchand, qu’il vise

Le tourisme social est en effet un projet politique émancipateur, qui échappe aux logiques mercantiles et permet aux travailleurs d’accéder à des vacances de qualités, à des activités culturelles et d’éducation populaire.

Des signes avant-coureurs avaient déjà alerté les syndicats. Pendant le confinement, l‘État a orchestré un véritable hold-up, en ponctionnant sur les réserves de l’ANCV 30 millions d’euros pour abonder le fond de solidarité mis en place pour les TPE et PME, fragilisées par la crise sanitaire.

Financer des politiques publiques ne relève en rien de l’objet social de l’ANCV. Cela n’a pas empêché son conseil d’administration de répondre favorablement à la demande du gouvernement. Notre organisation s’y est opposée, dénonçant un détournement de l’épargne des salariés et des agents de la Fonction publique (État, territoriale, hospitalière) aux revenus les moins élevés.

D’autres moyens peuvent être mobilisés pour financer le fonds dédié aux entreprises impactées par la crise sanitaire, sociale et économique comme :

  • taxer les dividendes que certaines entreprises se refusent d’annuler cette année ;
  • rétablir l’ISF ;
  • prendre des mesures coercitives contre l’évasion fiscale.

Ce prélèvement sur les réserves financières de l’ANCV aura des conséquences préjudiciables sur les moyens financiers dédiés aux politiques sociales en direction des personnes les plus démunies et les plus pauvres.

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