Les excréments recueillis par les stations d’épuration pourraient contenir des traces de Covid-19. Par précaution, elles doivent les stocker, mais certaines arrivent à saturation.

Même si pour l’heure, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a aucune preuve de la survie du Covid-19 dans les eaux usées, il n’est pas totalement exclu qu’en situation épidémique, le virus soit présent dans les boues issues des stations d’épuration, via les eaux grises des hôpitaux, les purges d’évier, les chasses d’eau des confinés. 

« Des coronavirus représentatifs des propriétés du Sars-CoV-2 ont montré qu’ils pouvaient rester infectieux dans les eaux usées pendant plusieurs jours », précise l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) dans son avis du 27 mars 2020. Les selles rejetées par les malades de ce coronavirus dans le réseau des eaux usées pourraient donc contenir des traces du virus

L’épandage agricole interdit

Par précaution, une circulaire du gouvernement du 2 avril 2020 a alors interdit l’épandage agricole de ces boues des stations d’épuration, pour éviter la propagation du Covid-19, de nos toilettes à nos champs.  

« Tant qu’il n’y a pas d’études scientifiques qui assurent qu’il n’y a aucune trace de Covid-19 dans les selles, les boues des stations d’épuration ne pourront pas être épandues sur les terres agricoles, sauf si elles sont hygiénisées [conditionnement thermique ou oxydation par voie humide, NDLR]« , assure François Bellouard, le directeur adjoint de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Seine-Maritime.

Dans ce département, d’ailleurs, l’application de cette circulaire est un vrai casse-tête. Car sur les 265 stations de traitement des eaux usées du département, 135 épandent leurs boues sur des terres agricoles. « Nous sommes un département avec beaucoup de petites stations d’épuration qui n’ont pas d’incinérateur ni de process d’hygiénisation », explique François Bellouard. 

Éviter à tous prix les débordements des stations d’épuration 

Et pour ces petites stations, l’épandage agricole est leur seul moyen de vider leurs cuves. « Elles ont toutes un plan B en cas de boues défectueuses, qui ne pourraient pas être épandues. Mais là, elles doivent toutes utiliser ce plan B en même temps, c’est-à-dire mobiliser un incinérateur dans une autre grande station ou transférer leurs boues dans une station qui a des capacités de stockage et/ou un process d’hygiénisation. »

Et ça bouchonne. Les services de l’État et des collectivités territoriales font donc un vrai travail de fourmi pour recenser au cas par cas la situation de chaque station et trouver des solutions. « Aujourd’hui, on a 25 stations en situation critique. Elles devaient épandre leurs boues ce printemps, mais comme elles n’en ont pas le droit, elles doivent trouver des solutions pour se débarrasser de leurs boues afin de ne pas déborder. Car si elles débordent, c’est une autre catastrophe sanitaire qui s’enchaîne avec la bactérie Escherichia coli dans les eaux de baignade… »

Cependant, malgré une grande proportion de petites stations d’épuration rurales dans le département, « nous avons l’avantage d’avoir plusieurs très grandes stations d’épuration qui ont des incinérateurs dans les agglomérations de Rouen et du Havre », expose François Bellouard.

À titre d’exemple, la Métropole de Rouen, qui gère notamment la grande station Émeraude du Petit-Quevilly, assure que toutes les boues du territoire de la Métropole en cette période de Covid-19 « pourront ainsi être incinérées ». Une solution devrait être trouvée pour chaque station, afin d’éviter tout débordement, rassure la DDTM.

Par ailleurs, l’État demande également à ce que chaque employé des stations d’épuration soit bien protégé contre le virus avec toutes les protections nécessaires (masques, gants…).

Jusqu’à quand durera cette circulaire ?

Mais la question se pose à plus long terme, notamment pour les épandages agricoles. « La grande question, c’est quand il y aura un retour à la normale ?, questionne François Bellouard. Car si cela dure, cela voudra dire qu’on ouvrira une nouvelle ère de fonctionnement des stations d’épuration. »

Le représentant de la DDTM suppose alors que chaque établissement, même les plus petits, devra ainsi incinérer ses boues. Ou alors posséder un process d’hygiénisation des boues pour pouvoir continuer les épandages agricoles. « Mais cela a un coût. On peut aussi imaginer un process mobile qu’on puisse déplacer de station en station. Cela existe dans d’autres pays », projette François Bellouard. Les services de l’État pourraient également envisager de tester chaque boue vouée à l’épandage. À condition d’avoir accès aux précieux tests de Covid-19…

Des inquiétudes pour les prochains épandages agricoles 

Des inquiétudes émergent alors pour la prochaine campagne d’épandages agricoles d’automne. Une pénurie de ces boues d’épandages est à craindre, si la situation perdure. « C’est une vraie problématique, car les épandages des boues des stations d’épuration sont de véritables fertilisants écologiques pour les sols, qui évite aux agriculteurs d’avoir recours à des produits phytosanitaires. »

Certains agriculteurs ont entendu parler de la situation. S’ils ne sont pas encore dans l’inquiétude, ils s’interrogent. « Quid du développement du virus à l’air libre ? Dans les sols ? La science doit travailler pour nous apporter des réponses. Mais je pense que d’ici la prochaine campagne d’épandage, les scientifiques nous auront fait un retour sur la question », espère Stéphane Donckele, agriculteur et secrétaire général de la FDSEA 76.

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